Enseignant : le métier impossible

Article paru le 01/09/2015 sur le site journaldemontreal.com

https://www.journaldemontreal.com/2015/09/01/enseignant--le-metier-impossible?fbclid=IwAR1USBmaA7mMDXkZJRmEEhMGjrnzFeABYZIkQ8I4u9otPXqQaCWMIOiB49w

 

Le Journal publiait dimanche un passionnant dossier à propos des «parents-rois», ceux qui, au nom de l’amour de leurs enfants, n’hésitent pas à contester ouvertement l’autorité des enseignants, au point même, quelquefois, de leur dicter quoi enseigner.

Parce qu’ils se croient seuls spécialistes de leurs enfants, ils passent des commandes aux enseignants, leur expliquent quoi faire et ne pas faire, et les surveil­lent comme s’ils étaient sous tutelle.

En un mot, les parents-rois, qu’ils le sachent ou non, trahissent la solidarité du monde adulte, ils la font éclater. Rien n’est plus important que leur désir, que leur vision du monde. Ils ne voient mani­festement plus l’école comme une institution essentielle, mais comme un service parmi d’autres où le client, encore une fois, devrait être roi.

Hélas, la solidarité des adultes est essen­tielle à l’éducation. Sans elle, c’est la formation du jeune esprit qui est compromise.

 

Le monde adulte

Un enfant doit savoir qu’existe devant lui un monde adulte solidaire qui se tient debout et qui sait lui dire non lorsqu’il dépasse les bornes. S’il ne le rencontre pas, il risque de développer une personnalité capricieuse, celle d’un petit roi qui croit que tout lui est dû.

Il faut dire qu’avec l’éclatement de la famille, où les parents sont souvent en concurrence pour l’affection de leur marmaille, c’est le lieu premier de l’autorité qui est fissuré. Notre monde ne sait plus éduquer.

En un mot, les parents-rois, qu’ils le sachent ou non, trahissent la solidarité du monde adulte, ils la font éclater

Il y a bien du romantisme lorsqu’on parle des enseignants. On aime dire qu’ils font le plus beau métier au monde. J’ai quelquefois l’impression qu’on leur chante la pomme pour leur faire oublier qu’ils ont surtout un des métiers les plus difficiles, et pas si bien payé quoi qu’en pensent les envieux qui n’ont en tête que les vacances d’été. On croit leur faire oublier ainsi une existence souvent pénible au quotidien.

Une existence qui n’a rien d’idyllique et qui peut rendre fou. Bien franchement, je doute qu’ils aient le plus beau métier. Certes, ils ont une mission splendide: transmettre le savoir, accompagner les jeunes êtres dans l’existence.

Mais ils ont surtout, aujourd’hui, une mission impossible: devant une jeunesse souvent ensauvagée, très tôt gavée aux pilules et à laquelle on se plaît à diagnos­tiquer mille pathologies, ils doivent essayer de transmettre les connaissances à la poursuite de notre monde.

 

Un métier impossible

Autrefois, ils avaient au moins l’autorité en classe et pouvaient mettre à la porte les petits turbulents. Mais leur métier, depuis un bon moment, s’est terriblement technocratisé. On leur impose un corset pédagogique délirant. Du plan d’intervention personnalisé pour chaque élève à l’intervention des psycholo­gues et autres spécialistes du comportement en classe, ils sont de moins en moins libres de faire leur métier comme ils l’entendent.

On en revient aux parents-rois. Évidemment, tout le monde est heureux que les parents s’occupent de leurs enfants, qu’ils prennent leur éducation à cœur et même qu’ils participent à la vie de l’école.

Mais ils devraient savoir où s’arrête leur souveraineté. Ils devraient reconnaître la frontière entre leur domaine et celui de l’enseignant. Cette frontière, c’est la salle de classe. Ici, ils devraient s’incliner et soutenir ceux qui s’esquintent à instruire leurs enfants.

  • 2 votes. Moyenne 5 sur 5.